Les ninjas, guerriers de l'ombre
L'origine des ninjas
On peut trouver des traces d’agents infiltrés japonais au VIème siècle av JC. C'est sous le règne de l'empereur Shotoku Taishi (572-621) qu'apparaît le terme « shinobi » (signifiant « furtif »), cet empereur ayant créé un corps d'agents secrets excellant dans l'art de l'infiltration, de l'espionnage, du harcèlement et de l’assassinat. C'est au XVème siècle qu'émergea vraiment cette classe de guerriers spécialement entraînés pour ces missions.
Qui étaient les ninjas ?
Samouraïs chassés par un ennemi ou privés de leur seigneurs, immigrés chinois ou coréens apportant avec eux traités de stratégies, art de la prestidigitation, méthode de combat ; saltimbanques nomades, religieux... Tous à l'écart de la société, se sont retrouvés dans des régions montagneuse et inaccessibles, pour une bonne part près de Kyoto (l’ancienne capitale impériale) où, pour survivre tout en conservant leur indépendance, ils ont développé de multiples compétences transmises de bouche à oreille, touchant aussi bien aux arts de la guerre qu'à ceux de la survie (et à la médecine en particulier).
Ainsi, dans les régions d'Iga, Koga ou Ueno vont se former ces communautés hétéroclites (il y en aurait eu plus de soixante-dix) qui, en prenant de l'ampleur, vont s'attirer l'hostilité des pouvoirs séculiers et religieux des environs. Pour subsister et conserver leur indépendance, elles n'hésiteront pas à louer leurs services aux seigneurs bienveillants à leur égard, pour des missions d'espionnage, de renseignement, de déstabilisation ou d'assassinat. Le sabotage faisait également partie de leurs prérogatives. Par exemple, en 1541, des ninjas d'Iga infiltrèrent le château de Kasagi, défendu par le seigneur Kizawa Nagamasa, et y mirent le feu, permettant à Miyoshi Chokei de prendre la place forte.
C'est durant la guerre d'Onin (1467-1477), qui débouchera sur la période Sengoku (l’ère des « provinces combattantes ») que les ninjas vont émerger. Les seigneurs rivaux (« daimyos ») ont alors commencé à employer leurs compétences en matière de guérilla, de renseignement ou de déstabilisation, même s'ils continuent à se méfier de ces guerriers atypiques et farouchement indépendants.
C'est durant cette période que les shinobis gagnèrent leur réputation d'assassins silencieux, obligeant les daimyos à concevoir leurs châteaux de manière à prévenir leurs tentatives d'infiltration : plan labyrinthique, planchers grinçants, passages secrets... Pour autant ces mesures n'étaient pas toujours efficaces et de nombreux assassinats de seigneurs furent attribués aux ninjas.
L'entraînement ninja
Les ninjas s'entraînaient dès leurs plus jeunes âges pour acquérir la maîtrise du ninjutsu. Dès quatre ou cinq ans, les apprentis ninjas commençaient un dur entraînement qui allait les amener à maîtriser toutes les disciplines de leur art, le ninjutsu. Cet enseignement était assuré par le père à son fils ou le maître (« sensei ») à son élève et chacune des dix-huit disciplines, dont certaines également au programme des apprentis samouraïs, devaient être parfaitement acquises par le futur ninja. Outre des arts martiaux, le ninja en devenir se devait de savoir manipuler poisons et explosifs, se déguiser, s'introduire ou s'évader de n'importe quel lieu fermé. Mais le principal objectif de cette formation consistait à faire du ninja un individu capable de survivre dans n'importe quel milieu et dans toutes les conditions. Pour cela, il devait apprendre à maîtriser les herbes médicinales aussi bien que s'entraîner à résister au froid, être capable de courir pendant des heures, d'escalader des murs, ect. Et cet entraînement comportait une partie psychologique, le ninja se devant d'ignorer la peur de la mort, d'être loyal envers son clan, de supporter privation et manque de reconnaissance. Capables de tirer parti de leur environnement naturel, pour s'y cacher, s'y déplacer sans bruits, se nourrir ou se reposer, les ninjas avaient également une approche mystique de leur art.
Les 18 disciplines
1 Seishin Teki Kyoyo : Développement philosophique et spirituel.
2 Ninpo Taijutsu : Techniques de combat à mains nues.
3 Kenjutsu : Combat au sabre.
4 Sojutsu : Combat à la lance.
5 Naginatajutsu : Combat à la hallebarde.
6 Bo Jutsu : Combat avec un bâton long.
7 Kayakujutsu : Utilisation des armes à feu et explosifs.
8 Kusarigama Jutsu : Combat avec faucilles et chaîne.
9 Shurikenjutsu : Utilisation des d'armes de jet.
10 Kyujutsu : Utilisation de l'arc.
11 Sui Ren : Techniques de combat aquatique.
12 Hensojutsu : Art du déguisement.
13 Inton Jutsu : Camouflage et dissimulation.
14 Kakushi Bukijutsu : Usage d'armes cachées.
15 Shinobi Iri : Maîtrise des outils pour franchir des murs.
16 Ninyaku Jutsu : Connaissance des herbes médicinales et des premiers secours.
17 Cho Ho : Techniques d'infiltration, de renseignement, d'espionnage.
18 Chimon Tenmon : Utilisation du terrain, des étoiles et de la météo.
Les rôles du ninja
Espion
Collecter des informations sur l'ennemi avant et pendant les campagnes menées par leur commandant, telle est la principale tâche des ninjas. Capables de se dissimuler ou de changer d'apparence a volonté, ils savent se fondre dans le décor, infiltrer camps et châteaux. Ils peuvent ainsi évaluer les défenses, obtenir des mots de passe et repérer les mouvements de troupes.
Soldat
Maîtres de la dissimulation, les ninjas étaient aussi des soldats hors pair. Certains d'entre eux étaient du reste également samouraïs. L'une de leurs tactiques préférées consistait à créer la confusion en s'emparant des bannières ennemies. Mais le plus souvent, on leur affectait principalement des missions de sabotage afin de mettre fin à un siège prolongé.
Saboteur
Capables de s'infiltrer sans se faire remarquer dans les lignes ennemies, les ninjas étaient souvent amenés à entreprendre des actions de sabotage. Dans ce cadre, l'incendie constituait la tactique privilégiée, d'autant que les châteaux japonais de l'époque étaient construits en bois.
Assassin
Les ninjas sont réputés pour avoir été de redoutables assassins silencieux. Le seigneur Oda Nobunaga figure parmi leurs cibles privilégiées. Kido Yazaemon (1539- 1589), un expert en arquebuse essaya deux fois de le tuer sans succès.
L'équipement du ninja
1 Katana : C'est le fameux sabre des samouraïs, dont les ninjas utilisaient une version plus courte et moins courbe que le katana du samourai. Cette arme incroyablement effilée y gagnait en maniabilité. La Tsuka était généralement plus longue que sur un katana traditionnel.
2 Tessen : L'éventail de combat permettait d'envoyer des traits. Et ses bords étaient coupants.
3 Kakute : Ces bagues étaient dotées de pointes empoisonnées.
4 Taquets Ashiko : Attachés aux pieds d'un ninja, ils lui permettaient d'escalader les murs d'une forteresse.
5 Tekko Kagi : Dérivé d'un outil agricole. Portés aux deux mains, ils permettaient d'affaiblir l'adversaire.
6 Bo Hiya : Provenant de Corée, ces flèches étaient au départ lancées à l'aide d'un arc. Puis avec l'apparition de la poudre, elles furent propulsées par des arquebuses.
7 Shikomizue : Ce bâton cachait une épée, permettant ainsi au ninja de pénétrer un lieu où les armes étaient interdites.
8 Bo Shuriken : Une arme de lancer utilisée à courte distance pour blesser ou ralentir un ennemi.
9 Kyoketsu Shoge : Cette évolution du kusarigama comportait une lame à double tranchant reliée à une corde ou une chaîne. Utilisée pour neutraliser un ennemi ou grimper à un mur.
10 Shuriken : La plus fameuse arme ninja n'était pas utilisée pour tuer mais pour détourner l'attention ou projeter des fusées créant un nuage de fumée empoisonnée.
11 Saï : Souvent utilisée en double exemplaire, cette dague régnait dans les combats rapprochés. Egalement un signe de distinction sociale.
12 Arc Yumi : Utilisé par les samouraïs comme par les ninjas, cet arc puissant servait aussi bien à pied qu'à cheval.
13 Manriki Gusari : Composé de deux poids reliés entre eux par une chaîne de longueur variable, il permettait d'immobiliser un ennemi.
14 Kaginawa : Ce crochet relié à une corde permettait à un ninja de franchir les remparts d'une forteresse.
15 Kusarigama : Cette sorte de serpe reliée à une chaîne permettait d'immobiliser ou d'étrangler un ennemi, la lame permettant de l'achever.
16 Kusari Chigiriki : Une arme similaire au fléau du Moyen Âge européen, un poids relié à un manche via une chaîne en fer.
17 Makibishi : Aussi connu sous le nom de chausse-trape, il permettait de blesser hommes et chevaux au pied ou de les ralentir.
Les guerres d'Iga
Les ninjas d'Iga était l'école de ninjas la plus réputée, notamment pour les services qu'elle rendait aux Shoguns Ashikaga. Lorsque Oda Nobunaga renversa les Ashikaga en 1573, inquiet de la puissance accumulées par les ninjas d'Iga envoya son fils, Nobukatsu les exterminés. Pour préparer son invasion de la province d'Iga, Nobukatsu ordonne la construction d'un château à Maruyama en 1578 dans la province d'Iga qui servira de point de départ à sa campagne. Avertis des intentions de Nobukatsu, les ninjas attaquèrent par surprise le château en plein jour et les forces d'invasions durent se retirer de la province. Un an plus tard Nobukatsu lance une nouvelle campagne d'invasion mais les ninjas ont connaissance de son plan d'invasion et utilisent leurs connaissances du terrain pour tendre des embuscades aux troupes Oda. Après avoir perdu plusieurs milliers d'hommes, les samouraïs d' Oda sont de nouveau forcés de se retirer.
Irriter par les échecs de son fils, Nobunaga lance sa propre invasion d'Iga en 1581. C'est avec 42 000 samouraïs qu'il fait fasse au 10 000 ninjas d'Iga. Après la capitulation du château de Kashiwara le 8 Octobre, certains rescapés trouvèrent refuge chez le Daimyo Tokugawa Ieyasu qui les engage comme garde rapprochée.
La fin des ninjas
Au XVIIIème siècle, le Shogun Tokugawa Yoshimune créa une unité de police secrète, les Oniwaban, sans aucun lien avec les ninjas. Puis, lorsque l'empereur reprit le pouvoir en 1868 et interdit le port d'armes aux samouraïs et aux ninjas ce fut la fin pour la plupart d'entre eux. Les plus riches s'insérèrent dans la société mais la plupart se retrouvèrent rejetés à sa marge.
C'est au XXème siècle que la légende des ninjas ressurgit, à la fois à travers les descendants de maître ninjas et de films de série Z.
Masaaki Hatsumi, maître de ninjutsu contemporain
Il est le maître actuel (soke) du Bujinkan-Ninpo, style d'art martial regroupant 9 écoles dont il est héritier : Tokagure Ryû, Kumogakure Ryû, Gyokushin Ryû, Kotô Ryû, Gyokko Ryû, Shinden Fudô Ryû, Kukishinden Ryû, Takagi Yôshin Ryû, Gikan Ryû.
Il accueil au sein de son Dojo, le Bujinden situé dans la ville de Noda des étudiants auxquels il enseigne principalement le Taïjutsu. Chaque année il organise un grand stage de trois jours qui regroupe 300 pratiquants japonais et étrangers.