L'histoire du sabre japonais. 1ere partie
Le katana est une arme autant qu'une œuvre d'art. Symbole de pouvoir, d'esprit martial et d'honneur, il représente l'âme du samourai, le guerrier japonais.
Lame forgée par Ikkanshi Tadatsuna en 1709, à la fin de sa vie.
Chef-d'œuvre représentatif de l'art de cet artisan actif à Osaka au milieu de l'époque Edo.
Ikkanshi prit l'habitude d'ajouter à sa signature les mots "forgé et gravé" pour des pièces comportant de tels motifs finemenent ciselés.
Classée Patrimoine Culturel d'Importance japonais.
Le Nihonto
Nihonto pourrait se traduire par "sabre ancien", mais signifie aussi "sabre forgé au Japon".
En effet, dans les Nihontō existent les Jōkotō, les Kotō, les Shintō, les Shinshintō, les gendaitō, showatō, et enfin les shinsakutō ou shinken, tous d'une période différente de la plus ancienne à la plus récente.
Les Jōkotō
Les premières armes apparaissent au Japon dès la période Yayoi, à partir de 300 avant J.C.
Le Nihontō, ou sabre Japonais est née d'une volonté d'amélioration purement technique. Mais il s'avère que les épées ont en effet été considérées comme des pièces d'art respectées très tôt dans l'histoire du Japon.Les premières lames (Jōkotō) constituaient aussi des objets d'adoration.
De l'épée au sabre il y a une grande différence (l'épée est à deux tranchants alors que le sabre est à un seul tranchant) et le sabre Japonais ou katana tel que nous le connaissons a vu son ancêtre apparaître au milieu de la période Heian (794-1099) avec les premiers sabres appelés Jōkotō.
Les premières courbures apparaissant cependant vers la moitié de l'ère Asuka (645) avec en particulier le forgeron Amakuni à partir de 700 (Une des figures principales de la forge japonaise, créateur du tachi). Il existe alors de nombreux types de Jōkotō : les tsurugi (jian), warabite no tashi, tosu et surtout les tachis, parents directe du katana.
La forge se développe énormément à cette période. les pouvoirs du gouvernement diminuent en faveur des clans qui scindent le Japon. De nombreuses guerres apparaissent et expliquent donc ces innovations techniques. Bien qu'on trouve alors de nombreux Jōkotō de mauvaises qualités (techniques de chauffe sans doute mal réalisées, et métaux de mauvaise qualité) il existe quelques sabres d'exception qui n'ont rien à envier aux katanas moderne.
Tachi dit "à Hyôgo-gusari" est un sabre dans lesquel la bélière (obitori) fixée à la partie supérieure du fourreau consiste en plusieurs chaînettes comme celles destinées aux équipements militaires. Arme de prédilection des nobles de la Cour impériale et des guerriers durant les époques de Heian (794-1185) et de Kamakura (1185-1333), ce type de sabre fut également forgé par la suite pour servir d'offrande dans les sanctuaires shintô et les temples bouddhiques.
A la surface du fourreau laqué de poudre d'or dense (ikakeji) est visible un motif de nuée d'oiseaux dessiné selon le procédé du maki-e (motif poudré en relief). La poignée, ainsi que les ferrures du fourreau, sont ornées du même motif, que l'on retrouve également, ciselé en ajour, sur la garde du sabre (tsuba), dorée sur fond d'argent.
La lame de ce tachi, qui a été forgée dans la province de Bizen (sud-est de l'actuelle préfecture d'Okayama), par un artisan de l'école dite "Ichimonji de Fukuoka" (littéralement : école du "caractère un"), porte gravée sur sa soie (nakago), en guise de signature, le chiffre "un". Il semblerait que le sabre lui-même et sa monture (koshirae) datent à peu près de la même époque, ce qui constitue un cas dont on connaît peu d'exemples. Ce sabre s'est transmis au sein de la famille Uesugi, qui allait ensuite en faire don au sanctuaire shintô de Mishima. On le désigne donc aussi sous le nom de "tachi Uesugi". A l'époque Meiji, il fut offert à la Maison impériale.
Classé Trésor National Japonais.
Les Kotō
Ils apparaissent vers la deuxième moitié de l'ère Heian, jusqu'à l'air Muromashi. Ce sont à nouveau des tachis, mais cette fois-ci ils deviennent de plus en plus courbés : on découvre qu'il en résulte de meilleures capacités de coupe et une meilleure résistance aux chocs. Naturellement, les lames se courbaient lors de la forge : en effet c'est une conséquence physique lorsque le tranchant est proche du dos de la lame. Or plus le tranchant est raide et proche du dos de la lame, plus l'arme est tranchante. Les forgerons décidèrent non plus d'éviter les courbures, mais au contraire de les travailler. Les Kiriha-zukuri laissent alors place aux Shinogi-zukuri, une évolution de la pointe la rendant plus raide (ou fine) au niveau du tranchant et la zone juste après celui-ci. La lame est alors bien plus tranchante (c'est la structure encore la plus utilisée).
Plus tranchante veut aussi dire plus faible face aux armures lorsque cet aspect tranchant provient d'un fil affiné (angle plus aigu) , les risques de casse sont augmentés. C'est là qu'apparaît déjà à l'époque toute la difficulté de la forge des sabres Japonais : obtenir un juste milieux, avec une arme toujours plus tranchante sans en faire pâtir la solidité. Jouer avec les angles devient alors indispensable (plus tard d'autres techniques permettront de rendre les katanas plus souples et donc moins cassants face aux chocs, avec l'apparition des composites par exemple). Il a suffit de quelques Jōkotō « ratés » avec des courbures non souhaitées et mal rattrapées, ainsi que de bonnes observations, pour se rentre compte que ces courbures permettaient aux armes d'être bien plus incisives. Le Kotō était né. Ces sabres ne sont pas encore appelés katana, mais tachi.
les lignes de trempes (hamon) sont considérablement mieux réalisées, les nakago (soie de la lame) sont elles aussi mieux réalisées, et les excellentes pièces deviennent moins rares : les techniques de forges sont nettement mieux maîtrisées. Les premières traditions apparaissent avec la tradition Yamato Den et sa première école, l'école Senjuin vers 1184, inspirées du forgeron Amakuni. Puis vers 1187 l'école Awataguchi reprenant les techniques de Sanjo Munechika permet à la tradition Yamashiro de naître, et enfin la tradition Bizen voir le jour avec l'école Ichimonji. C'est la tradition Bizen qui rencontrera rapidement le plus de succès, suivit de prêt par la tradition Yamashiro.
Certains tachi seront par la suite surtout utilisés pour la cavalerie, avec un fourreau en métal et une sageo (tressage sur le fourreau) plus importante pour éviter les frottements sur la selle. La lame des tachi est par ailleurs beaucoup plus courbée. La zone d'impact optimale (appelée "mono-uchi") se situe donc dans le premier tiers de la lame, alors que le milieu de la lame du katana est la zone la plus efficace de celui-ci. Il mesure en moyenne 70cm et au moins plus de 60cm, la taille se rapproche donc elle aussi du katana.
Toshinaga était un membre majeur de l'école Nara, la plus ancienne représentante de ce type d'artisanat à cette époque. Déjà très estimé durant Edo, il était considéré comme l'un des trois plus grands artisans de l'école Nara en compagnie de Sugiura Jôi et Tsuchiya Yasuchika.
Cette garde ronde et épaisse en fer est ornée d'un tigre sur un rocher devant une grotte, entre nuages comme de la vapeur bouillante et vagues agitées. Ces derniers motifs sont taillés en relief au burin alors que la grotte l'est par entailles. Bien que s'agissant d'une œuvre pleine de force et de relief, les rayures sur la fourrure du tigre et l'écume des vagues laissent la place à des damasquinures en or et argent lui donnant une touche de délicatesse.
Suite à l'ère Heian, arrive la période Kamakura (1185-1333) ou est instauré un nouveau Shōgun (gouvernement militaire), le premier Bakufu (« gouvernement sous la tente ») est mis en place. C'est la période où de très nombreux forgerons font leur apparition à travers le Japon, développant des techniques originales et de plus en plus personnelles. Les écoles se développent (Bizen, Yamashiro, Yamato, Sōshu) et les sabres deviennent moins raffinés en règle général. Ils sont en effet plus longs, plus larges au niveau de la soie, et surtout plus incisifs car le kissaki (pointe du katana) est rallongé. Les trempes sont meilleures, les aciers plus résistants, et la tradition Soshu qui est en grande partie à la base de ces modifications rencontre un grand succès (tradition née du forgeron Yukimitsu membre au départ de la tradition Yamashiro).
L'ère Nanboku-chō de 1333 à 1392, voit enfin l'apparition de longues lames différentes, qui n'étaient jusque là que des tachi. Les nodachi font leur apparition, mais c'est surtout une période remarquable car les belles formes déjà imposantes de la période Kamakura sont reprises pour être encore plus agrandit, les sabres deviennent alors très imposants, ceci ne remettant pas du tout en question leur excellente qualité technique.
L'ère Muromachi (1392-1573) voit enfin la disparition des tachi de type Kotō qui sont alors très largement remplacés par les katanas. En effet les combats changent, et il devient important de pouvoir dégainer et frapper en même temps (Nuki Uchi). Le tachi, trop courbé mais surtout trop long, ne permet pas cette manœuvre et est donc porté tranchant vers le bas, alors que le katana est porté tranchant vers le haut. Les lames perdent l'agressivité qu'elles avaient acquis pendant la période Nanboku-chō pour se rapprocher de se qui étaient fait à l'ère Kamakura, avec des lames de 70-73cm (taille standard appelée Josun), voir même 60cm pendant la période Sengoku.
L'époque Nambokuchô (1333-1392), marquée par les luttes entre clans et par les guerres civiles, vit l'épanouissement de l'art décoratif sur les armes et les montures de sabres. Ce précieux sabre court (koshi-gatana) aux ornementations sophistiquées en est une belle ilustration. La poignée en bronze est d'abord plaquée en argent, puis recouverte d'une feuille d'or. Par dessus, on a ajusté une bague en cuivre doré formant un motif ajouré de pivoines. Le fourreau est recouvert de "galuchat kairagi" laqué et poli, avec de nouveau à l'embout un décor de pivoines ciselé en haut-relief.
L'Uchigatana
Souvent d'assez mauvaise qualité, en général destiné aux guerriers de bas rang, on commence à distinguer les tailles et à donner les noms katanas et wakizashis dans l'usage courant. Le terme Uchigatana disparaîtra avec le temps pour laisser place à ces nouveaux termes. Mauvaise qualité en effet, car la guerre civile d'Ōnin a engendré une production de masse, et les forgerons de renom sont de moins en moins nombreux. Les katanas sont produits en tradition Bizen et Mino simplifiées, et sont appelés kazu-uchi mono ou tabagatana (épées produites en masse), de moins bonne qualité, différenciée des chumon-uchi (épées de haute qualité et sur mesure, faites en général pour les seigneurs).
La forge composite continue à se développer avec l'apparition des kobuse et des makuri appliqués au katana, lames constituées de différentes nuances d'acier, pour avoir une surface dure et un intérieur de lame plus tendre et souple pour une meilleure absorption des chocs.
Les Shintō
Vient ensuite l'ère Azuchi Momoyama. De nombreuses modifications permettront à l'artisanat en général de se développer énormément. L'unification fait disparaître les écoles de forge (les cinq grandes traditions), mais de grands maîtres font leur apparition un peu partout dans le Japon. Par ailleurs, le kenjutsu et le port du daishō se développent énormément. On parle de Shintō (« nouveaux sabres ») qui sont très différents de ce qui se faisait auparavant.
Néanmoins la qualité du grain de ces Shintō est en général moins bonne que celle des Kotō, ceci est dû à l'importation massive d'acier de moins bonne qualité depuis le Portugal et la Hollande (nanbantetsu ou encore hyotantetsu ou konohatetsu en opposition au watetsu, acier japonais), et l'utilisation d'un acier Japonais de piètre qualité venant de l'ouest (acier contenant trop de phosphore, ce qui augmente les risques de casse de la lame). Mais le terme Shintō est justifié : ces nouveaux sabres sont d'une qualité indiscutablement supérieure en ce qui concerne les techniques de forge qui se sont énormément développée dès la fin de l'ère Muromachi, en parallèle à cette production rapide et massive. Les anciennes techniques elles ont disparues, mais sont redécouvertes petit à petit, et les nouvelles techniques viennent s'y greffer pour créer un art de la forge d'excellente qualité.
L'ère Edo aussi nommée parfois période Tokugawa, voit réapparaître le désir de faire des katanas esthétiques et raffinés comme l'étaient les Kotō. On parle toujours de Shintō, bien qu'il y ai donc une grande différence entre les premiers Shintō, et ces derniers qui en plus d'être plus esthétiques sont aussi souvent de meilleure qualité.
Les courbures sont revues pour moins imiter celles des tachi, de magnifique hamon (lignes de trempe) se développent. On parle pour ces trempes de Shinto Tokuden, un nouvel art. Une différence entre l'est et l'ouest apparaît, on parle d'Osaka Shintō et de Edo Shintō. Osaka étant une ville culturelle on a des katanas plus sophistiqués, alors qu'à Edo, nouvelle ville où le code du Bushidō est extrêmement stricte, on a des katanas souvent plus imposants, et dont la qualité technique prime sur l'esthétique. On parle alors de wazamono pour désigner les katanas coupant très bien, puisque c'est une période pendant laquelle les test de coupe (tameshigiri) sont courant, et que certaines personnes sont officiellement employées par le gouvernement pour faire ces tests.